World: En zone de conflit, une personne sur cinq souffre de troubles mentaux (OMS)
De nouvelles données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publiées cette semaine dans la revue scientifique The Lancet révèlent les effets de vivre en zone de conflit sur la santé mentale.
Une personne sur cinq vit avec une forme de trouble mental, allant d'une dépression légère ou d'une anxiété à une psychose. Près d'une personne sur dix vit avec un trouble mental modéré ou grave.
Ces chiffres sont significativement plus élevés si on les compare à la prévalence de ces maladies dans la population générale. En effet, hors zones de conflit, « elles concernent une personne sur 14 », explique Alison Ruth Brunier, spécialiste de la santé mentale à l’OMS, au micro d’ONU info.
Ces personnes ont besoin d'obtenir un traitement et des soins, alors que leurs troubles nuisent souvent à leur capacité de fonctionner. L’accès aux soins n’est pas seulement une question d’amélioration de la santé mentale, il peut aussi être une question de survie.
L’étude a analysé cinq troubles qui frappent les personnes vivant dans les zones de conflit : la dépression, l’anxiété, le syndrome de stress post-traumatique, le désordre bipolaire ou la schizophrénie.
Cette étude permet d’évaluer l’étendue du problème, explique Alison Brunier. « La depression et l’anxiété semblent affecter davantage les personnes âgées et la dépression est plus courante chez les femmes que chez les hommes en zones de conflit ».
Selon les estimations de l'ONU, en 2019, près de 132 millions de personnes dans 42 pays du monde auront besoin d'une assistance humanitaire résultant d'un conflit ou d'une catastrophe. Près de 69 millions de personnes dans le monde ont été déplacées de force par la violence et les conflits, le nombre le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. « Donc le problème est très grand », estime Mme Brunier.
Évaluer les besoins des populations est primordial
En 2019, l’OMS s’occupe de la santé mentale dans les pays et territoires dont la population est touchée par des urgences de grande ampleur dans le monde, comme au Bangladesh, en Iraq, en Jordanie, au Liban, au Nigéria, au Soudan du Sud, en Syrie, en Turquie, en Ukraine, en Cisjordanie ou encore dans la bande de Gaza.
Pour coordoonner la réponse en matière de santé mentale en situation d’urgence, que ce soit pendant un conflit ou après une catastrophe naturelle, la tâche première de l’OMS est d’identifier rapidement ce dont les gens ont besoin.
« La deuxième étape est de déterminer dès que possible les ressources qui sont déjà disponibles sur place pour aider ces personnes », explique Alison Brunier. Cela peut être des services gouvernementaux, des organisations non gouvernementales locales et des partenaires internationaux qui ont la capacité et les connaissances nécessaires pour gérer les problèmes de santé mentale, pour soutenir les personnes en situation de stress aigu et pour évaluer et soigner les troubles mentaux, des plus légers aux plus graves.
La troisième étape est d’aider à fournir la capacité de soutien lorsque ce qui existe n’est pas suffisant. Cela implique généralement une coordination avec les partenaires et un renforcement rapide des capacités des prestataires locaux.
« Cela passe par la formation de généralistes qui sont sur le terrain pour qu’ils puissent diagnostiquer des problèmes mentaux et après les soigner », explique la spécialiste en santé mentale. « Il est aussi nécessaire de renforcer les systèmes de santé pour les problèmes mentaux dans les pays en général pour que les pays soient préparés en cas de situation d’urgence ou humanitaire ».
Au cours de la dernière décennie, l’OMS a développé avec ses partenaires une série de guides pratiques pour aider à établir et à développer un soutien en matière de santé psychosociale et mentale dans les situations d'urgence. Elle a aussi adapté le «programme mhGAP», grâce auquel les agents de santé généraux sont formés à reconnaître et à fournir un soutien pour les troubles mentaux courants, afin de pouvoir être utilisés en cas d'urgence humanitaire.
Dans de nombreux pays du monde, l'ignorance concernant la santé mentale et la maladie mentale reste largement répandue. La prise en charge des soins de santé mentale pendant les conflits et d’autres situations d’urgence, dans les pays où ce soutien est limité, peut permettre d’identifier les personnes affectées. Dans de nombreux cas, ce soutien permet de dissiper les mythes sur la maladie mentale et d’aboutir à un traitement, à des soins et à une vie plus digne.
Mise en place de services de santé mentale de qualité
En Syrie, par exemple, avant le conflit, il n'existait pratiquement pas de soins de santé mentale en dehors des hôpitaux psychiatriques d'Alep et de Damas. Maintenant, cependant, grâce à la reconnaissance croissante du besoin de soutien, un appui psychosocial et en santé mentale a été introduit dans les établissements de santé primaires et secondaires, dans les centres communautaires et pour femmes, ainsi que dans les programmes scolaires.
Au Liban, la population de 4 millions d'habitants a encore augmenté d'un million ces dernières années, les réfugiés ayant franchi la frontière depuis la Syrie. Conscient de l’augmentation rapide des besoins en services de santé mentale, le gouvernement a saisi cette occasion pour renforcer ses services de santé mentale, de sorte qu’ils bénéficient désormais non seulement aux nouveaux arrivants, mais également à la population locale.
Le tsunami de 2004 au Sri Lanka et en Indonésie et le typhon de 2013 aux Philippines ont été le catalyseur de la décentralisation des soins de santé mentale au niveau communautaire, là où ils étaient le plus nécessaires. Dans la plupart des cas, l'infrastructure mise en place est restée une fois les crises passées, a expliqué Alison Brunier. Ce sont donc des systèmes de moyenne ou longue durée
Mais Alison Brunier précise que la majorité des personnes qui vivent dans des situations de de conflit n’ont pas accès aux soins de santé mentale. Donc il reste encore beaucoup à faire.
Tous les pays ont l'obligation d'investir dans la santé mentale. Mais il est particulièrement important dans les populations touchées par un conflit où le taux de problèmes de santé mentale est plus du double de celui de la population en général.